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Enjeux climatiques : Le Sahel au cœur des débats, pourtant angle mort de la recherche ?


Depuis quelques années, les médias couvrent régulièrement les catastrophes naturelles, inondations, sécheresses, etc. causées par le changement climatique, qui se produisent à intervalles de plus en plus réguliers, Cf. The human cost of disasters: an overview of the last 20 years (2000-2019). Malgré la grande actualité sur ces phénomènes et leurs importances croissantes pour l'avenir, le continent africain, en particulier la région subsaharienne, qui est durement touchée par le changement climatique, a jusqu'à présent été une sorte d'angle mort, explique les chercheurs Bjoern Schueler et Sissy Sepp de l’Université de Marburg en Allemagne dans « Klima und Gesellschaft im Wandel ».



Les causes et les conséquences des changements climatiques font l'objet de recherches non seulement dans les médias, mais aussi dans de nombreuses disciplines scientifiques. Ce thème n'est pas nouveau. Dans les années 1970 et 1980, l'intérêt du public s'est parfois porté sur des régions comme le Sahel, confronté à des sécheresses et des famines dévastatrices. Les chercheurs Bjoern Schueler et Sissy Sepp de l’Université de Marburg expliquent dans « Klima und Gesellschaft im Wandel » que lors d'un séjour dans le sud de la Mauritanie, le journaliste Herbert Kaufmann écrivait déjà en 1973 dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ) ceci : «Ceux qui ont atteint Rosso sont sauvés. Celui qui a atteint Nouakchott et Kaedi, Kiffa et Aioun - el Atros a certes perdu ses troupeaux, mais il a conservé la vie. De mémoire d'homme, jamais une telle catastrophe ne s'était produite ».


De nos jours, les phénomènes et catastrophes attribués aux changements climatiques sont des réalités tangibles partout. Des domaines vitaux comme la production agricole, l'approvisionnement en eau et en énergie sont menacés. Alors que certaines régions luttent contre les inondations, d'autres souffrent de sécheresses. Les climatologues estiment que certaines régions côtières et insulaires comme les Maldives seront submergées par la montée des eaux, tandis le Sahel connaîtra des sécheresses plus fréquentes et plus intenses.


De nombreuses disciplines scientifiques et les médias, à travers le monde, traitent les causes, les conséquences et étudient le rapport social des changements climatiques, de la dégradation de l’environnement, leurs risques et impact sur la société, etc. Au Burkina Faso, si quelques spécialistes appréhendent le phénomène, le regard de la société reste cependant diversifié et pas clairement établi.


L’enquête d’opinion, sur la perception des internautes burkinabè sur les changements climatiques et la dégradation de l’environnement, menée par l’Observatoire d’analyse des Problématiques Éducationnelles et Sociales du Burkina (OPES), à laquelle nous avons participée qui a mesurée la connaissance de quelques citoyens sur le changement climatique le démontre évidemment. Cette étude de perception, a permis, entre autres, d’évaluer les menaces jugées les plus préoccupantes par les internautes burkinabè ; d’évaluer les actions considérées comme les plus efficaces pour protéger l’environnement et lutter contre les changements climatiques.



De ce rapport d’étude il ressort que moins de 25% des internautes considèrent le réchauffement climatique et la dégradation de l’environnement comme étant une grande menace, avec seulement 20% qui considèrent la pollution de l’air comme une menace préoccupante.


Pour Ousseni Bancé, psychologue social de formation, même si « le changement climatique fait référence aux chamboulements constatés dans le cycle des phénomènes naturels comme la pluie, le vent, l'état des sols, la nature du vent... et qu’au Burkina il se manifeste par la force destructive des pluies dans des villes, la disparition ou l'effritement progressif de certains animaux ou végétaux, les populations pour leur majorité n’ont pas encore réussi à associé les causes et leurs effets directs ». Par exemple, le héron, compagnon des bœufs ou certains charognards ont totalement disparus de certaines localités où ils se trouvaient facilement. Mais cela n’interpelle pas malheureusement les populations sur le rapport direct avec les problèmes de l’environnement. « Parler du changement climatique, c'est aussi parlé du réchauffement de la terre, qui se fait ressentir par la météo et par la forte chaleur constatée dans des localités du Burkina », explique-t-il.


Quant aux risques liés aux changements climatiques, ils sont multiples et perçus par les populations sans pour autant en connaitre les causes directes, selon monsieur Bancé. La première, est la non maîtrise du cycle des pluies. « Dans un pays où l'agriculture familiale et rurale sont dominées par des sciences traditionnelle basées sur des interprétations et des transmissions de savoir ancestrales, il y a fort à parier que des pluies irrégulières impactent sur les rendements. Les semences aussi sont utilisés en fonction de leur réaction face à la chaleur, au froid, à la teneur des pluies. Des changements à ce niveau causeront certainement des dégâts. Les villes du Burkina, pour ce qui est de l'aménagement, ne tiennent pas forcément compte des phénomènes naturels. Ce qui expliquerait les inondations et autres problèmes. »



Pour le journaliste burkinabè Boureima Salouka, une bonne partie de la population se reconnait bien dans la nature et prenne conscience de ces changements. « Je suis attaché à la qualité de l’environnement dans toutes les dimensions à savoir la qualité des végétaux, des animaux, l’eau,… un attachement lié à mon milieu familial depuis l’enfance » raconte-t-il. Pour lui, la perception sur le changement climatique est vaste car c’est une dynamique d’évolution qui impacte la vie dans tous les sens du terme et qui intéresse particulièrement le Burkina Faso en tant que pays du sahel avec une démographie très grande mais aussi avec des problèmes environnementaux assez sérieux. « La dégradation du couvert végétal, du sol, de la qualité des nappes phréatiques et des eaux de surfaces, etc… notamment du fait avec l’orpaillage et l’utilisation du mercure et du cyanure. Cela nous touche directement avec des conséquences sur nos vies. Sur les plans politique et de sécurité (militaire) et surtout alimentaire. » Avec tout cela, ce sont des problèmes voir des dangers ; mais aussi des opportunités pour des pays comme le Burkina pour innover et pour faire autrement les choses.


Quant aux conséquences sociales du changement climatique, « elles sont là sous nos yeux et c’est ce qu’on appelle la crise du sahel ». Pour le journaliste Salouka, « beaucoup de gens ont vite fait de voir en cela un fait de l’islamisme, de la radicalisation, de la faiblesse des États, mais ce qu’il faut retenir est que cette crise a aussi une dimension environnementale. » Avec des pays où la croissance démographique est très forte et où l’on voit la raréfaction des ressources naturelles, ce qui a entrainé une compétition pour leur contrôle et qui a vite fait de dégénérer en conflit « qu’on essaie faussement de maquiller en des conflits intercommunautaires. » Ce sont des conflits dû à la raréfaction des ressources et la compétition pour leur appropriation et pour leur contrôle. On parle de plus en plus de réfugié climatique dans le monde mais aussi dans nos pays. « Plusieurs jeunes du sahel qui brave le sahara pour traverser l’Atlantique le font face à tous ces problèmes. Et en interne on assiste à une recomposition des populations.



Face à cela, il faut dire qu’on assiste à des campagnes de collecte de fonds et des œuvres de bienfaisance qui attirent l'attention sur les catastrophes au Sahel de manière sporadique. Cependant, l'intérêt du grand public mondial diminue rapidement après ses actions spontanées. Il n'y a pratiquement pas d'échanges interdisciplinaires entre les climatologues et les spécialistes des sciences sociales lorsqu'il s'agit des effets du changement climatique sur cette partie du monde, encore moins l’existence d’articles sur la perception sociale du phénomène. Il est temps que cet angle mort soit amené un peu plus dans le champ de vision du grand public afin de permettre aux populations de cette partie du monde te particulièrement du Burkina d’être au cœur de débats sur le changement climatique et la dégradation de l’environnement.


Belélé Jérôme William Bationo


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