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Changement climatique et vulnérabilité: Femmes et résilience au Burkina

Les pays en Afrique subsaharienne, notamment ceux du Sahel sont confrontés à d'énormes défis internes que sont, entre autres, l’adaptation des méthodes et pratiques agricoles face au changement climatique, la gestion des terres agro-pastorales lié à cette conjoncture, la prise en compte de l’aspect genre dans la dynamique du développement durable, etc. Au Burkina Faso, 92% de la population travaille et vit de l’agriculture, de l’élevage et de l'exploitation des ressources naturelles. Les femmes qui constituent 51,7% de la population globale du pays occupent une très grande proportion dans ce taux. Elles constituent également de fait le groupe le plus vulnérable.


Dans le contexte de changement climatique, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) définit la vulnérabilité comme « la mesure dans laquelle un système est capable de faire face et de combattre les effets négatifs du changement climatique, notamment les changements continus et les phénomènes climatiques tels que les sécheresses et les inondations ». Ainsi, la vulnérabilité dépend principalement de trois facteurs à savoir la nature et l'ampleur du changement climatique qui affecte le système, la sensibilité du système aux effets de ce changement et sa capacité d'adaptation.


Au regard de ce qui précède, plusieurs analystes confirment que l’Afrique sera l'un des continents les plus touchés par le changement climatique. En effet, plusieurs de ses régions, dont le Sahel, où se trouve le Burkina Faso, connaissent des climats les plus extrêmes et les plus variables du monde. Des sécheresses et des inondations peuvent survenir à quelques mois d'intervalle. Selon l’Organisation non-gouvernementale, OXFAM, un tiers de la population africaine vivrait dans des régions qui souffrent de sécheresses récurrentes.


Climat, agriculture et économie au Burkina


Au Burkina Faso, le climat est caractérisé par une pluviométrie annuelle décroissante allant du sud vers le nord. Les précipitations annuelles varient, selon ces endroits, de 300 millimètres à 1200 millimètres. Le pays comporte deux saisons, à savoir la saison des pluies, qui dure entre mai-juin à septembre-octobre, et la saison sèche, qui s'étend de novembre à mai. On note une variabilité importante de la pluviométrie d'une année à l'autre et qui s’accentue de nos jours avec les effets du changement climatique. Les températures sont très élevées entre février et juin et peuvent atteindre plus de 40⁰C. Cependant, elles sont un peu plus douces de novembre à février.


La majorité de la population vit dans les zones rurales et pratique une agriculture de subsistance en travaillant sur de petites parcelles familiales avec un peu de bétail.


Depuis 50 ans, le Burkina Faso vit des sécheresses et des inondations de manières répétitives. Les intervalles de ces phénomènes tendent à se raccourcir. Le pays a enregistré des sécheresses dans les années 1970 qui se sont poursuivies les décennies après, notamment lors des saisons agricoles 1983-1984 et 2000-2001. À la suite de cela, plusieurs inondations entre août-septembre 2007, puis en septembre 2009, avec des pluies ayant inondées plus de 22 000 hectares dont 150 000 personnes qui ont perdu leurs logements et bétails ont été observées. En 2010, durant les mois de juillet et août, le pays a connu de nouvelles inondations qui ont touché 105 480 personnes, selon les statistiques nationales ; et qui ont détruit les cultures agricoles et des infrastructures.


La vulnérabilité du Burkina au changement climatique n’est plus à démontrer et cela s’explique par le faible niveau de développement du pays, notamment les institutions qui sont encore faibles et la très grande dépendance de l’économie nationale sur des ressources naturelles qui se dégradent de plus en plus, et un secteur d’agriculture encore primaire. Pourtant, l'économie nationale est basée sur ce secteur agricole, sur l'exploitation des ressources naturelles et sur l'élevage. Ensemble, ces trois secteurs représentent 32 % du PIB du Burkina et occupe plus de 90% des individus, selon l’INSD.


Le niveau de pauvreté est élevé, avec environ 46 % de la population qui vit en dessous du seuil de pauvreté et 20 % au seuil de pauvreté extrême. La pauvreté du Burkina est de ce fait principalement attribuable au manque d'eau, nécessaire à la production agricole pour la consommation humaine et à l’’exportation, à la dégradation des ressources naturelles (due à la pression démographique de plus en plus galopante), en somme donc, à son climat sec et à l’incapacité de résilience des populations face au changement climatique.


De plus, le rôle crucial des femmes, qui représentent une grande part active de la population, dans le maintien des familles dans le milieu rural n’est pas rendu visible et peu pris en compte dans les programmes et politiques d’adaptation au changement climatique.


La vulnérabilité des femmes en milieu rural face au changement climatique


Si les effets du changement climatique d’une localité à l’autre tendent à être respectivement les mêmes pour tous les habitants, la commission Brundtland admet un devoir particulier envers les populations plus vulnérables. Même si cela soulève des problèmes d’interprétation, il est unanimement reconnu que les femmes dans les pays en voies de développement sont plus exposées aux effets du changement climatique et l'impact sur leurs moyens de subsistance est plus important du fait de plusieurs aspects.


Au Burkina, l’impact du changement climatique sur le monde agricole et la dégradation des ressources naturelles ont un impact plus important sur les moyens de subsistance des femmes. En effet, en milieu rural, elles sont plus dépendantes des ressources et activités agricoles qui constituent leur « capital naturel » pour gagner leur vie. Car les hommes peuvent, d’une année de sécheresse à l’autre, faire l’exode pour aller chercher un travail rémunéré, saisonnier dans les villes, dans les travaux d’aménagement urbains, dans l’exploitation aurifère artisanale, etc. « Elles sont plus dépendantes du capital naturel et, en ce qui concerne le capital physique, les parcelles des femmes sont plus sensibles au changement climatique. De plus, en termes de capital humain, la charge de travail des femmes augmente en raison des effets secondaires du changement climatique. Le capital financier est réduit par les nombreuses pertes causées par les conditions climatiques difficiles : récoltes réduites en raison de précipitations insuffisantes, manque d'eau, dommages à l'environnement et perte d'animaux en cas d'inondation, et parfois perte de vies humaines en raison de la sécheresse ou des inondations. En raison du changement climatique, le rôle productif des femmes augmente, en plus de leur rôle reproductif. », explique un rapport de l’ONG Oxfam.


Adidjata Coulibaly, cultivatrice de riz dans la plaine de Bama, à l’Ouest du Burkina, intervenant dans le cadre du projet sur le monde agricole « Transmission Air et Terre » explique également la difficulté liée à l’accès aux terres. « Les pesanteurs culturelles font que les femmes n’ont pas droit à la terre. Et quand les hommes nous en prêtent, ce sont souvent les parcelles avec les sols arides et aussi on ne peut pas y investir, au risque d’être dépossédé un jour », dit-elle. Ce qui rend les parcelles cultivées par les femmes plus vulnérables au changement climatique. Outre cela, elles n'ont pas la force physique et le soutien nécessaire pour la mise en œuvre de certaines pratiques d’adaptation à la mauvaise pluviométrie et l’accès aux outils de travail appropriés.


À Makongo, dans la boucle du Mouhoun, les autrices des programmes de « Transmission Air et Terre » quant à elles sont dans un dilemme. Pour elles, c’est encore plus difficile avec la raréfaction de certaines ressources liées à la croissance démographique mais aussi aux effets du changement climatique. En effet, les femmes dans leurs activités et leurs tâches ménagères ont besoin d’énergie. Elles recherchent du bois de chauffe pour la cuisine et pour la préparation de certaines denrées commerciales. Cependant, elles n’ont pas d’alternative face à la rareté du bois et l’absence d’autres sources d’énergie. Elles sont donc prises sur le questionnement de la survie entre l’abattage et l’utilisation de quelques espèces d’arbres (Karité, Néré, etc.) pour l’énergie, ou la préservation de celles-ci ; qui contribuent à leur subsistance en permettant d’avoir des ressources non-ligneux (beurre de karité, soumbala, etc.). Ainsi donc, la préservation de certaines ressources naturelles, utilisées pourtant dans leur quotidien devient difficile face au besoin d’énergie et d’alternative de survie liée aux mauvaises récoles qui s’enchainent de plus en plus sur les effets du changement climatique.


Au Burkina, en milieu rural, chaque famille possède une petite exploitation pour la culture de céréales et parfois pour d'autres cultures commerciales, comme les haricots, le coton, le sésame ou les arachides. Les cultures sur petites parcelles et les céréales sont destinées à la consommation familiale. Le maïs, le sorgho et le mil représentent entre 85 et 90 % de l'alimentation de base au Burkina Faso, et en milieu rural, les céréales représentent près de 100 % des produits alimentaires consommés. Les femmes y contribuent énormément dans cette agriculture de survie et elles ont besoin des ressources en eau, à la terre, à la foret, et bien d’autres pour mieux assurer leurs rôles et garantir des revenus afin de subvenir aux besoins de leurs familles. Malheureusement, elles ont un contrôle très limité sur ces ressources, encore pire dans des conditions de diminution des ressources naturelles liées au changement climatique et de doublement de la population.


Belélé Jérôme William Bationo

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